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Un peu de poésie pécheresse : Révolte

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Bien le samedi bande de poésies, nouveau bonjour et nouveau gens ! Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé poésie par ici, et ça me manquait 🙂 Je vous ai parlé de beaucoup de poétesses maintenant, et ça commence à me prendre pas mal de temps pour vous trouver de nouveaux poèmes et de nouveaux artistes. Mais Internet est plein de ressources, et d’ici à ce que j’ai épuisé la bête, on a le temps de mourir cinq fois du réchauffement climatique 😛

Je vous présente donc Forough Farrokhzad, une poétesse iranienne née en 1935 et morte en 1967. Je ne sais pas si vous saisissez bien ce que ça implique : être une femme, poète, en Iran. Sachant qu’actuellement, et probablement aussi à son époque, l’Iran et les droits des femmes, ce sont deux choses à peu près aussi éloignées que les politiciens et les actions concrètes contre la pollution. Elle-même a eu sa part d’injustices : mariée à 16 ans, elle divorce en 1954 et se voit retirer la garde de son fils, car elle avait eu des aventures extra-conjugales. Ne pouvant voir son fils que de très rares fois, elle souffrait beaucoup du fait que l’enfant grandissait en croyant que sa mère l’avait abandonné pour vivre de poésie et de luxure.
Forough ne s’est pas contentée de la poésie : actrice, écrivaine, cinéaste, réalisatrice, elle a touché à tout. Ses poèmes ont fait couler beaucoup d’encre et scandalisé pas mal de monde, car Forough était féministe et n’hésitait pas à révéler dans ses œuvres l’intimité des femmes, leurs désirs et leurs aspirations ; elle réclamait l’indépendance et la liberté pour son sexe. Pour autant (et c’est ce que je préfère), elle estimait qu’un poème ne devait pas être considéré pour le genre de son artiste, mais pour son humanité, ou plutôt sa capacité à se séparer de son auteur pour atteindre un niveau où il est considéré pour son mérite en tant qu’œuvre. De fait, elle militait pour donner plus de place aux femmes, tout en dépassant la traditionnelle frontière des rôles homme-femme.

Bref ! Maintenant vous avez assez de matière pour replacer le poème que j’ai choisi dans son contexte ^^ Voici donc « Révolte », un titre qui se passe de commentaires :

Ne scelle pas mes lèvres au cadenas du silence
Car j’ai dans le cœur une histoire irracontée
Délivre mes pieds de ces fers qui les retiennent
Car cette passion m’a bouleversée

Viens, homme, viens, égoïste
Viens ouvrir les portes de la cage
Toute une vie, tu m’as voulue en prison
Dans le souffle de cet instant, enfin, délivre-moi

Je suis l’oiseau, cet oiseau qui depuis longtemps
Songe à prendre son envol
Mon chant s’est fait plainte dans ma poitrine serrée
Et dans les désirs, ma vie a reflué

Ne scelle pas mes lèvres au cadenas du silence
Car il me faut dire mes secrets
Et que je fasse entendre au monde entier
Le crépitement enflammé de mes chants

Viens, ouvre la porte, que je m’envole
Vers le ciel limpide du poème
Si tu me laisses m’envoler
Je me ferai rose à la roseraie du poème

Mes lèvres sucrées par tes baisers
Mon corps parfumé à ton corps
Mon regard avec ses étincelles cachées
Mon cœur plaintif, par toi rougi

Mais ô homme, homme égoïste
Ne dis pas c’est une honte, que mon poème est honteux
Pour ceux dont le cœur est enfiévré, le sais-tu,
L’espace de cette cage est étroite, si étroite ?

Ne dis pas que mon poème était péché tout entier
De cette honte, de ce péché, laisse-moi ma part
Je te laisse le paradis, ses houris et ses sources
Toi, laisse-moi un abri au cœur de l’enfer

Livre, intimité, poème, silence
Voilà pour moi, les sources de l’ivresse
Qu’importe de n’avoir pas voie au paradis
Puisqu’en mon cœur est un paradis éternel !

Lorsque dans la nuit, la lune danse en silence
Dans le ciel confus et éteint
Toi, tu dors et moi, ivre de désirs inassouvis
Je prends contre moi le corps du clair de lune

La brise m’a déjà pris des milliers de baisers
Et j’ai mille fois embrassé le soleil
Dans cette prison dont tu étais le geôlier
Une nuit, au profond de mon être un baiser me fit vaciller

Rejette loin de toi l’illusion de l’honneur, homme
Car ma honte m’est jouissance ivre
Et je sais que Dieu me pardonnera
Car il a donné au poète un cœur fou

Viens, ouvre la porte, que je déploie mes ailes
Vers le ciel limpide du poème
Si tu me laissais m’envoler
Je me ferais rose à la roseraie du poème

Le poème est certes un peu long, mais j’ai beaucoup aimé les images et le calme qui en ressortent. Il y a même une petite ritournelle avec l’image de la rose à la roseraie du poème qui revient ; et à chaque fois, ça donne un peu plus le frisson. C’est la femme qui se libère par elle-même, et ce peu importe à quel point l’homme essaye de l’enfermer : il ne pourra jamais l’atteindre en son for intérieur. Certes, elle réclame sa liberté (et avec raison), mais elle revendique aussi : il n’y a pas de honte, pas de pudeur à avoir, elle assume totalement sa passion et ses désirs face à un regard masculin et condamnateur.
Je sais qu’aujourd’hui c’est quelque chose de limite banal, avec la mode de la sorcellerie, de parler d’intériorité féminine. Mais dans un contexte où absolument tout est contrôlé par les hommes et où les femmes n’ont aucune liberté d’expression, c’est incroyablement fort et courageux de dire : « tu ne peux pas contrôler ce que je pense, et, tu as beau te dire supérieur à moi, tu n’as pas la plus petite idée de la richesse de ce que je ressens ». Et surtout, là où dans un poème comme Pilori, la colère et l’envie de vengeance sont présentes, ici ce n’est pas ce qui est recherché. Au contraire, elle est au-delà de ça et ne cherche qu’à profiter du bonheur d’être en vie et d’écrire, bref elle veut s’assumer.

Pour l’illustration, beaucoup, beaucoup de prise de tête, et finalement plus de choix que je ne pensais ! Au départ je voulais un tableau qui colle au sens du poème, mais c’était très dur de trouver un choix à la fois pertinent et qui me plaise. Et ce qui vous a ptet semblé évident ne m’est venu qu’après : mettre en valeur une peintre iranienne. Et en fait, je n’ai pas réussi à choisir entre ces trois tableaux donc je vous ai proposé les trois 😀 Dans l’ordre :

  • Un tableau de Parya Vatankhah, une artiste franco-iranienne qui fait également de très belles réalisations dans la photographie et la vidéo. La peinture est issue de la série « The Other World » et je l’ai choisie pour son jeu de couleurs, d’un bleu calme avec un touche de rouge rébellion ^^ En plus, la forme des traits donne vraiment l’impression d’une fenêtre ou d’une ouverture sur un autre monde, donc ça colle super bien avec le poème. Et pourtant la peinture abstraite, ce n’est pas mon truc d’habitude 😀 Je vous conseille d’aller jeter un œil à son site, c’est très intéressant 🙂
  • Un tableau de Behjat Sadr (1924-2009), Trace through the black. Un grand nom, c’est la première femme peintre iranienne à avoir été considérée comme égale aux peintres masculins de son pays, et une pionnière des arts visuels en Iran. Et notre Forough a même été son élève ^^ Le tableau m’a tout de suite attiré l’oeil, et n’est pas sans me rappeler certaines images de Yuumei, une autre artiste que j’aime beaucoup : on dirait qu’il y a une sorte de trompe l’œil en plein milieu du tableau, à moins que ce ne soit un passage vers une réalité idéale. Si son travail vous plaît, n’hésitez pas à consulter le site qui lui est dédié !
  • Et enfin, Shemiran Winter de Ghazaleh Akhavan Zandjani, une artiste mondialement connue pour ses œuvres en peinture et en tapisserie ! Tapisserie persane pour être précise, avec des motifs traditionnels iranien, car la culture de son pays lui tient beaucoup à cœur. Sachez aussi qu’elle enseigne la peinture chinoise, c’est l’anecdote qui m’a faire rire, mais après tout pourquoi pas 😀 En cliquant ici, vous pouvez voir quelques unes de ses œuvres, mais c’est ce tableau qui m’a le plus marquée : le bleu des arbres est juste fascinant, je pourrais rester des heures à le regarder.

Connaissiez-vous déjà ces artistes ? Avez-vous aimé les découvrir ? N’hésitez pas à vous manifester en commentaire, je lis tout avec attention 🙂

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Les Errantes

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Joie et bonheur, je renoue avec la recherche de logement, un plaisir sans fin comme chacun sait, N’EST-CE PAS ?! Même pour passer mes concours ou mes entretiens d’embauche, je n’avais pas autant cette impression d’être « inacceptable », voire juste « sale pauvre » (et pourtant, heureusement, je suis pas à la rue). Je crois que ce qui me fait le plus vriller, c’est l’exigence du salaire qui fait trois fois le loyer ; encore le CDD qui fait fuir ou autre, je peux comprendre, mais trois fois le loyer ! Pourquoi ??

Nouvelle chronique littéraire ! Ca fait un moment en vrai que toutes mes lectures sont des emprunts en bibliothèque, au grand dam de mes livres bel et bien achetés, qui sont à deux doigts de m’assassiner pour se venger. Si vous cherchez le coupable, je crois que « Matilda » est celui qui me regarde avec le plus de haine. Non, je ne suis pas parano !
Bref, tout ça pour dire que c’est un roman emprunté, et un peu une erreur de ma part au début : je pensais à Jo Walton (une auteure que je vous recommande, surtout Les griffes et les crocs et la trilogie Le Subtil Changement), mais Jo Witek est pour sa part une auteure de romans jeunesse assez prolifique, et je n’ai pas perdu au change 🙂 Son roman Les Errantes, qui nous intéresse aujourd’hui, a été publié en 2022.

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Et à la fin, ils meurent : La sale vérité sur les contes de fées

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Est-ce que vous vous baladez avec un petit carnet ? Ces temps-ci, je me balade en permanence avec mon petit carnet. Pourtant, c’est rare quand j’y note des choses ; j’y écris des poèmes qui m’ont plu, les rares rêves dont je me souviens, et aussi des petits textes pour me vider la tête. J’y écris rarement mais j’aime l’avoir avec moi, sentir sa couverture dans ma poche est très rassurant. Idéalement, j’aimerais pouvoir me balader avec un plus grand carnet et faire des croquis dedans, mais j’ai horreur de dessiner si je ne peux pas m’installer minimum une heure à une table. Et vous, que notez-vous dans votre petit carnet ?

Nouvelle chronique littéraire ! Cette fois-ci, je vous propose un livre pas comme les autres, un cadeau de Noël en ce qui me concerne ^^ D’après les dires de mon frère, dès qu’il a vu le titre, il a su que c’était pour moi XD Voici donc Et à la fin, ils meurent : La sale vérité sur les contes de fées de Lou Lubie, publié en 2021. Il s’agit d’une sorte de documentaire en bande dessinée, écrit avec beaucoup d’humour et de pépites historiques ^^

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Les Amazones

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Bien le bonjour, bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Sincèrement, je déteste le mot « maturité ». Je ne m’y retrouve plus avec ce mot, on me dit que je ne le suis pas assez, mais c’est quoi être mature ? Concrètement ? Assurance et confiance en soi ? C’te bonne blague. Sang-froid ? Pas mon truc non plus, je suis un nid d’angoisses vivantes. Sagesse et réflexion ? C’est un nouvel échec, l’étourderie est une seconde nature chez moi. Donc, je suis classée « immature », et j’ai l’impression que plus le temps passe, plus c’est un défaut impardonnable. Impuissance ou mauvaise volonté de ma part (y a-t-il un psy dans la salle ?), toujours est-il que ça me mets dans une rage, vous n’imaginez même pas. Immature et je vous dis m**de, du plus profond de mon ❤

Nouvelle chronique littéraire ! On termine aujourd’hui la trilogie des Mille Femmes Blanches de Jim Fergus avec le dernier volet, Les Amazones. Paru en France en 2019, le volume conclut la série en revenant petit à petit au présent et aux conditions de vie des Amérindiens aujourd’hui, triste héritage de la colonisation et de leur intégration forcée à la « civilisation ». De fait, le roman s’ouvre sur des chiffres tirés d’une enquête dévoilant le nombre effrayant de femmes Indiennes disparues ou maltraitées en 2019, le tout dans la plus parfaite indifférence de la justice états-unienne.

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La vengeance des mères

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Bien le bonjour, bande de gens, j’espère que vous allez bien ^^ Depuis quelques temps, je me découvre une passion pour le vernis à ongles. Pourtant, je déteste le maquillage. Mais là, c’est différent : c’est comme du coloriage, et j’adore le coloriage 😀 (cherchez pas, j’ai renoncé à me comprendre moi-même). En quelques semaines, je me suis constitué une palette de couleurs sans queue ni tête. Par contre, je suis toujours aussi incapable de faire ma p’tite peinture sans déborder !

Nouvelle chronique littéraire ! On continue notre petite trilogie de Jim Fergus : après Mille Femmes Blanches (1998), l’auteur ne souhaitait pas écrire de suite, mais plusieurs années plus tard et quelques voyages dans le lot, l’envie d’écrire s’est réveillée. Voici donc La Vengeance des mères ! J’avais beaucoup aimé le premier volume, mais j’ai mis du temps à me décider à lire la suite : c’est désormais chose faite 🙂

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