Premières lignes… #251

Par défaut

Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

La forme du pouvoir est toujours la même, c’est la forme d’un arbre : des racines à la cime, un tronc central d’où naissent des branches d’où renaissent d’autres branches, toujours plus longues, toujours plus fines. La forme du pouvoir est semblable au tracé d’une chose vivante qui se démène pour se projeter vers l’extérieur, pour étendre ses vrilles un peu plus loin, toujours un peu plus loin.
Cette forme est celle des fleuves qui se jettent dans l’océan – de filets d’eau en ruisseaux, de ruisseaux en courants, de courants en torrents, une formidable force se rassemble, bouillonne, et gagner en vigueur pour se déverser dans l’imposante puissance marine.
C’est la forme qu’emprunte la foudre quand elle s’abat sur Terre. L’éclair qui déchire le ciel imprime son tracé sur la chair ou sur la Terre. Ces mêmes motifs caractéristiques apparaissent dans un bloc d’acrylique soumis à un courant électrique. Nous canalisons des impulsions électriques dans des séries ordonnées de circuits et d’interrupteurs, mais l’électricité veut prendre la forme d’une chose vivante, d’une fougère, d’une branche nue. Avec son point d’impact au centre, d’où le courant se propage en une multitude de ramifications.
Cette même forme se développe en nous, c’est celle qu’épousent nos arbres intérieurs constitués de nerfs et de vaisseaux sanguins. Un tronc central, et des branches qui se divisent et se subdivisent. Les signaux qui voyagent du bout de nos doigts jusqu’à notre moelle épinière, pour rejoindre notre cerveau. Nous sommes électriques. Le pouvoir est un courant électrique qui voyage en nous comme il le fait dans la nature. Mes enfants, rien de ce qui s’est passé ici ne va à l’encontre des lois naturelles.
Le pouvoir circule de la même manière entre les êtres humaines ; il ne peut en être autrement. Nous fondons des villages, ces villages deviennent des villes, les villes font allégeance aux métropoles, et les métropoles aux Etats. Les ordres circulent du centre vers les extrémités. Ce qui en résulte revient des extrémités vers le centre. La communication est constante. Les océans ne peuvent survivre sans les filets d’eau, pas plus que les troncs centenaires sans les bourgeons, ou le cerveau sacré sans les terminaisons nerveuses. Ainsi en va-t-il au-dessus comme en dessous. A la périphérie, comme en plein coeur.
En vertu de cela, tout changement de nature et d’utilisation du pouvoir humain ne peut intervenir que de deux façons : soit un ordre, une ordonnance à l’adresse du peuple, émane du palais, décrétant : « Il en est ainsi » ; soit, la plus probable, la plus inévitable, c’est que ces milliers de milliers de points lumineux envoient chacun un nouveau message. Quand le peuple change, le palais est incapable de résister.
Comme il est écrit : « Elle prit alors l’éclair au creux de sa main. Elle lui commanda de frapper. »

Publicité

Un peu de poésie enragée : Do not go gentle into that good night

Par défaut

Bien le samedi bande de poésies, nouveau bonjour et nouveaux gens ! Encore une poésie, on ne m’arrête plus ! Une poésie que j’ai découverte un peu par hasard, une autre preuve que le hasard fait très joliment les choses : je regardais un épisode de Doctor Who (celui où David Tennant rencontre Shakespeare), où le Docteur cite un vers d’un poème, précisant à Shakespeare qu’il ne pourra pas le reprendre, car le poème doit être écrit par quelqu’un d’autre dans le futur. Bon, je ne me rappelle malheureusement pas la ligne de dialogue, mais elle m’avait obsédé à ce moment-là ! Je voulais absolument savoir qui l’avait écrite.

Et enfin, j’ai su 😀 Il s’agit d’un poème de Dylan Thomas (1914-1953), qui a été reconnu comme l’un des plus importants poètes gallois du XXe siècle. C’est même son poème le plus connu : Do not go gentle into that good night. Pour vous donner un peu plus de détails, il était plus proche des poètes romantiques que de ceux de sa génération ; il aimait cultiver son image de poète maudit sombrant dans l’alcool, se vantait de sa consommation… et c’est d’ailleurs elle qui finira par avoir sa peau. Très célèbre déjà de son vivant, son travail était très aimé pour sa rythmique, et l’auteur s’est également fait connaître avec des émissions de radio.

Le poème est en anglais, néanmoins je vous ai mis une traduction française plus bas, de Line Audin, agrégée d’anglais (et prise sur ce site) 🙂 Par ailleurs, il existe une lecture enregistrée de l’auteur pour son poème, disponible sur Youtube mais… j’avoue ne pas être fan du tout, c’est horrible parce que c’est sans doute la meilleure lecture possible, vu que c’est celle de l’auteur et qu’il avait l’habitude d’être enregistré ^^’ Mais je préfère largement la lecture d’Iggy Pop, et c’est celle que je vous ai mis encore en-dessous, pour que vous puissiez profiter de la musique de la version originale !

Do not go gentle into that good night,
Old age should burn and rave at close of day ;
Rage, rage against the dying of the light.

Though wise men at their end know dark is right,
Because their words had forked no lightning they
Do not go gentle into that good night.

Good men, the last wave by, crying how bright
Their frail deeds might have danced in a green bay,
Rage, rage against the dying of the light.

Wild men who caught and sang the sun in flight,
And learn, too late, they grieve it on its way,
Do not go gentle into that good night.

Grave men, near death, who see with blinding sight
Blind eyes could blaze like meteors and be gay
Rage, rage against the dying of the light.

And you, my father, there on the sad height,
Curse, bless, me now with your fierce tears, I pray.
Do not go gentle into that good night.
Rage, rage against the dying of the light.

N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit,
La vieillesse devrait s’embraser, se déchaîner face au jour qui s’achève ;
Rage, enrage contre la lumière qui se meurt.

Même si sur sa fin l’homme sage sait que l’obscurité est méritée,
Parce que ses mots n’ont fendu nul éclair il
N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit.

L’homme bon, près de la vague ultime, pleurant
Sur ses frêles exploits dont l’éclat aurait dansé sur une verte baie,
Rage, enrage contre la lumière qui se meurt.

L’homme insoumis qui s’empare du soleil en plein vol et le chante,
Apprenant, trop tard, qu’il l’a peiné dans sa course,
N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit.

L’homme grave, qui, agonisant, voit, vision aveuglante
Que l’œil aveugle pourrait flamboyer tel un météore et se réjouir,
Rage, enrage contre la lumière qui se meurt.

Et toi, mon père, là-bas sur ce triste promontoire,
Maudis-moi, bénis-moi maintenant de tes larmes de colère, je t’en supplie.
N’entre pas apaisé dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la lumière qui se meurt.

Ce poème est, à ce que j’ai lu, l’un des plus accessibles de Dylan Thomas. N’ayant pas lu les autres, je me garderai de juger ; mais c’est vrai qu’ici, le thème du poème est très vite clair : c’est l’approche de la mort et le refus de se laisser mourir. Le poème est un villanelle, c’est-à-dire une succession de couplets avec un refrain qui revient régulièrement. Et ce refrain est extrêmement fort, on est vraiment dans l’idée de ne pas laisser faire, de se dresser à nouveau et de tendre les bras vers la lumière, alors même qu’on est à l’agonie. C’est lutter contre un ennemi imbattable, la mort elle-même, celle qui emporte tout le monde à la fin : le vieil homme, l’homme sage, l’homme bon, l’homme insoumis,… Et la frustration, le désespoir à leur comble quand on est forcé de rendre les armes. L’image est belle, les mots sont puissants, et plus je relis ces vers, plus je les aime.
Chapeau d’ailleurs à la traduction de Line Audin, qui parvient à reprendre le rythme des vers finaux, et à les rendre tout aussi fascinants en français. La dernière strophe donne des frissons, puisque le poète supplie son père de lutter à son tour, et de ne pas se laisser mourir (toutefois, Dylan Thomas a écrit son poème quelques années avant la mort de son propre père).

Pour accompagner ce poème, il y avait juste une infinité de tableaux ou illustrations possibles, du coup je suis revenue à mes artistes chouchous 😀 L’image d’un homme qui se relève, qui lutte contre sa mort, j’imagine tellement ça avec une musique épique et une scène badass, que du coup, l’illustration s’est imposée d’un coup : un dragon. Les dragons sont pour moi l’incarnation ultime de la puissance, la colère et la liberté combinées. Imaginez un rugissement, un vrai rugissement de dragon, alors qu’il étend ses ailes, immense et incroyable. Un dragon qui se dresse et hurle pour échapper à l’ombre et rejoindre la lumière.

Tout naturellement j’ai pensé à la sublime illustration Arsenic et Boule de Gomme (aka le duo de Elian Black’Mor et Carine M.), celle qui se trouve en couverture du sublime Sur la piste des dragons oubliés. Je vous ai parlé plusieurs fois d’eux, je suis complètement fan, et ils l’ont bien compris au dernier festival de la BD d’Angoulême : je suis arrivée avec un sourire béat vissé aux lèvres, eux-mêmes n’ont pas bien compris au début et ça me chagrine de me dire que je les ai ptet un peu inquiétés au début XD Cette illustration est juste parfaite pour le poème de Dylan Thomas, on a tout ! Le déploiement incroyable des ailes, les ombres qui semblent vouloir engloutir la créature, la lumière presque ténue au loin, et ce rouge écarlate, prêt à tout embraser une nouvelle fois. Rage, rage against the dying of the light.

Il y avait toutefois une autre artiste qui me tentait, c’était Yuumei. Cette fois-ci, j’avais moins en tête un mouvement de fureur, comme un volcan qui explose, qu’une idée de rébellion, de résistance face à une tyrannie. Bon, la mort reste la mort, et je suis intimement convaincue qu’elle est une chose nécessaire. Mais si on pense plutôt à une métaphore, il s’agirait plutôt de lutter contre la disparition de la liberté, contre l’oppression, voire même (et ce ne serait plus tellement une métaphore mais une triste réalité) contre la disparition du monde connu. Si j’ai pensé à Yuumei, c’est que non seulement elle a réalisé plusieurs sublimes illustrations dénonçant le réchauffement climatique et l’inaction, mais également un webcomic où il est question de lutter contre une tyrannie. J’ai choisi cette image juste au-dessus, parce qu’entre les oiseaux et les plantes, et cette image de rebelle, je retrouve le même sentiment qu’à la lecture du poème de Dylan Thomas.

Connaissiez-vous toutes ces oeuvres ? Aimez-vous leur association ? N’hésitez pas à me dire votre avis ou vos conseils en commentaire 😀

Diego et les Rangers du Vastlantique

Par défaut

Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Récemment, j’ai enfin goûté les mochis au haricot rouge : c’est une spécialité sucrée japonaise, une boule de pâte de riz fourrée avec de la pâte de haricot rouge. En vrai, ça peut être fourré avec un peu tout et n’importe quoi, je n’ai pas encore goûté au thé vert, mais je vous recommande les mochis glacés à la vanille ! Et pourquoi le haricot rouge, tout simplement c’est parce que, historiquement, les Japonais n’avaient à la base pas de quoi faire du sucre, et la pâte de haricot rouge, c’est ce qui s’en rapprochait le plus pour eux. Donc ! J’ai goûté et… bon ben j’avoue, je préfère toujours les mochis glacés à la vanille XD

Nouvelle chronique littéraire ! Un roman graphique jeunesse très particulier, qui m’a immédiatement sauté aux yeux ^^ J’avais hâte de pouvoir vous en parler, le moment est enfin venu. Il s’agit du premier tome de la série Timeless, Diego et les Rangers du Vastlantique de Armand Baltazar, publié en 2018. Qui est Armand Baltazar ? Accrochez-vous : passionné de peinture narrative, il s’est néanmoins dirigé vers le cinéma et l’animation, jusqu’à devenir directeur artistique pour DreamWorks, Walt Disney ou encore Pixar ! Et vous avez déjà vu ses oeuvres, car il a travaillé notamment sur La Princesse et la Grenouille et Rebelle. Ca lui a donné envie de se concentrer sur son propre projet, pendant son temps libre (et pour tenter de faire la même chose, j’admire doublement) : Timeless.

Lire la suite

Premières ligne… #250

Par défaut

Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

Celui qui a arpenté les ombres de Zothique,
Sous les rayons obliques de son soleil de braise,
Ne retournera pas aux pays de jadis,
Mais hantera à jamais une ultime côte,
Dont les cités s’effondrent dans le sable noir
D’un océan saumâtre où les dieux morts vont boire.

Celui qui a connu les jardins de Zothique,
Où le bec des simurghs se gorge du sang des fruits,
Se lassera de ceux des plus verts hémisphères :
Sous des tonnelles, au bout du monde,
Dans les cycles couchants d’années crépusculaires,
Il sirotera un vin à la robe amarante.

Celui qui a aimé les sauvages de Zothique,
Ne cherchera ailleurs plus douce favorite :
Les baisers des amantes vaudront ceux d’un vampire.
Et à la fin des temps, dans la dernière nécropole,
Le spectre écarlate de Lilith
Se languira de lui, amoureux, maléfique.

Ce qui sur le pont des galères de Zothique
A vu se profiler d’étranges flèches et pics,
Devra encore faire face aux typhons des sorcières
Et tenir seul la barre,
Sur des mers lointaines, sous une lune désaxée
Ou un zodiaque tronqué.

Un peu de poésie pécheresse : Révolte

Par défaut

Bien le samedi bande de poésies, nouveau bonjour et nouveau gens ! Ca faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé poésie par ici, et ça me manquait 🙂 Je vous ai parlé de beaucoup de poétesses maintenant, et ça commence à me prendre pas mal de temps pour vous trouver de nouveaux poèmes et de nouveaux artistes. Mais Internet est plein de ressources, et d’ici à ce que j’ai épuisé la bête, on a le temps de mourir cinq fois du réchauffement climatique 😛

Je vous présente donc Forough Farrokhzad, une poétesse iranienne née en 1935 et morte en 1967. Je ne sais pas si vous saisissez bien ce que ça implique : être une femme, poète, en Iran. Sachant qu’actuellement, et probablement aussi à son époque, l’Iran et les droits des femmes, ce sont deux choses à peu près aussi éloignées que les politiciens et les actions concrètes contre la pollution. Elle-même a eu sa part d’injustices : mariée à 16 ans, elle divorce en 1954 et se voit retirer la garde de son fils, car elle avait eu des aventures extra-conjugales. Ne pouvant voir son fils que de très rares fois, elle souffrait beaucoup du fait que l’enfant grandissait en croyant que sa mère l’avait abandonné pour vivre de poésie et de luxure.
Forough ne s’est pas contentée de la poésie : actrice, écrivaine, cinéaste, réalisatrice, elle a touché à tout. Ses poèmes ont fait couler beaucoup d’encre et scandalisé pas mal de monde, car Forough était féministe et n’hésitait pas à révéler dans ses œuvres l’intimité des femmes, leurs désirs et leurs aspirations ; elle réclamait l’indépendance et la liberté pour son sexe. Pour autant (et c’est ce que je préfère), elle estimait qu’un poème ne devait pas être considéré pour le genre de son artiste, mais pour son humanité, ou plutôt sa capacité à se séparer de son auteur pour atteindre un niveau où il est considéré pour son mérite en tant qu’œuvre. De fait, elle militait pour donner plus de place aux femmes, tout en dépassant la traditionnelle frontière des rôles homme-femme.

Bref ! Maintenant vous avez assez de matière pour replacer le poème que j’ai choisi dans son contexte ^^ Voici donc « Révolte », un titre qui se passe de commentaires :

Ne scelle pas mes lèvres au cadenas du silence
Car j’ai dans le cœur une histoire irracontée
Délivre mes pieds de ces fers qui les retiennent
Car cette passion m’a bouleversée

Viens, homme, viens, égoïste
Viens ouvrir les portes de la cage
Toute une vie, tu m’as voulue en prison
Dans le souffle de cet instant, enfin, délivre-moi

Je suis l’oiseau, cet oiseau qui depuis longtemps
Songe à prendre son envol
Mon chant s’est fait plainte dans ma poitrine serrée
Et dans les désirs, ma vie a reflué

Ne scelle pas mes lèvres au cadenas du silence
Car il me faut dire mes secrets
Et que je fasse entendre au monde entier
Le crépitement enflammé de mes chants

Viens, ouvre la porte, que je m’envole
Vers le ciel limpide du poème
Si tu me laisses m’envoler
Je me ferai rose à la roseraie du poème

Mes lèvres sucrées par tes baisers
Mon corps parfumé à ton corps
Mon regard avec ses étincelles cachées
Mon cœur plaintif, par toi rougi

Mais ô homme, homme égoïste
Ne dis pas c’est une honte, que mon poème est honteux
Pour ceux dont le cœur est enfiévré, le sais-tu,
L’espace de cette cage est étroite, si étroite ?

Ne dis pas que mon poème était péché tout entier
De cette honte, de ce péché, laisse-moi ma part
Je te laisse le paradis, ses houris et ses sources
Toi, laisse-moi un abri au cœur de l’enfer

Livre, intimité, poème, silence
Voilà pour moi, les sources de l’ivresse
Qu’importe de n’avoir pas voie au paradis
Puisqu’en mon cœur est un paradis éternel !

Lorsque dans la nuit, la lune danse en silence
Dans le ciel confus et éteint
Toi, tu dors et moi, ivre de désirs inassouvis
Je prends contre moi le corps du clair de lune

La brise m’a déjà pris des milliers de baisers
Et j’ai mille fois embrassé le soleil
Dans cette prison dont tu étais le geôlier
Une nuit, au profond de mon être un baiser me fit vaciller

Rejette loin de toi l’illusion de l’honneur, homme
Car ma honte m’est jouissance ivre
Et je sais que Dieu me pardonnera
Car il a donné au poète un cœur fou

Viens, ouvre la porte, que je déploie mes ailes
Vers le ciel limpide du poème
Si tu me laissais m’envoler
Je me ferais rose à la roseraie du poème

Le poème est certes un peu long, mais j’ai beaucoup aimé les images et le calme qui en ressortent. Il y a même une petite ritournelle avec l’image de la rose à la roseraie du poème qui revient ; et à chaque fois, ça donne un peu plus le frisson. C’est la femme qui se libère par elle-même, et ce peu importe à quel point l’homme essaye de l’enfermer : il ne pourra jamais l’atteindre en son for intérieur. Certes, elle réclame sa liberté (et avec raison), mais elle revendique aussi : il n’y a pas de honte, pas de pudeur à avoir, elle assume totalement sa passion et ses désirs face à un regard masculin et condamnateur.
Je sais qu’aujourd’hui c’est quelque chose de limite banal, avec la mode de la sorcellerie, de parler d’intériorité féminine. Mais dans un contexte où absolument tout est contrôlé par les hommes et où les femmes n’ont aucune liberté d’expression, c’est incroyablement fort et courageux de dire : « tu ne peux pas contrôler ce que je pense, et, tu as beau te dire supérieur à moi, tu n’as pas la plus petite idée de la richesse de ce que je ressens ». Et surtout, là où dans un poème comme Pilori, la colère et l’envie de vengeance sont présentes, ici ce n’est pas ce qui est recherché. Au contraire, elle est au-delà de ça et ne cherche qu’à profiter du bonheur d’être en vie et d’écrire, bref elle veut s’assumer.

Pour l’illustration, beaucoup, beaucoup de prise de tête, et finalement plus de choix que je ne pensais ! Au départ je voulais un tableau qui colle au sens du poème, mais c’était très dur de trouver un choix à la fois pertinent et qui me plaise. Et ce qui vous a ptet semblé évident ne m’est venu qu’après : mettre en valeur une peintre iranienne. Et en fait, je n’ai pas réussi à choisir entre ces trois tableaux donc je vous ai proposé les trois 😀 Dans l’ordre :

  • Un tableau de Parya Vatankhah, une artiste franco-iranienne qui fait également de très belles réalisations dans la photographie et la vidéo. La peinture est issue de la série « The Other World » et je l’ai choisie pour son jeu de couleurs, d’un bleu calme avec un touche de rouge rébellion ^^ En plus, la forme des traits donne vraiment l’impression d’une fenêtre ou d’une ouverture sur un autre monde, donc ça colle super bien avec le poème. Et pourtant la peinture abstraite, ce n’est pas mon truc d’habitude 😀 Je vous conseille d’aller jeter un œil à son site, c’est très intéressant 🙂
  • Un tableau de Behjat Sadr (1924-2009), Trace through the black. Un grand nom, c’est la première femme peintre iranienne à avoir été considérée comme égale aux peintres masculins de son pays, et une pionnière des arts visuels en Iran. Et notre Forough a même été son élève ^^ Le tableau m’a tout de suite attiré l’oeil, et n’est pas sans me rappeler certaines images de Yuumei, une autre artiste que j’aime beaucoup : on dirait qu’il y a une sorte de trompe l’œil en plein milieu du tableau, à moins que ce ne soit un passage vers une réalité idéale. Si son travail vous plaît, n’hésitez pas à consulter le site qui lui est dédié !
  • Et enfin, Shemiran Winter de Ghazaleh Akhavan Zandjani, une artiste mondialement connue pour ses œuvres en peinture et en tapisserie ! Tapisserie persane pour être précise, avec des motifs traditionnels iranien, car la culture de son pays lui tient beaucoup à cœur. Sachez aussi qu’elle enseigne la peinture chinoise, c’est l’anecdote qui m’a faire rire, mais après tout pourquoi pas 😀 En cliquant ici, vous pouvez voir quelques unes de ses œuvres, mais c’est ce tableau qui m’a le plus marquée : le bleu des arbres est juste fascinant, je pourrais rester des heures à le regarder.

Connaissiez-vous déjà ces artistes ? Avez-vous aimé les découvrir ? N’hésitez pas à vous manifester en commentaire, je lis tout avec attention 🙂