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Les beaux albums de Emmanuelle Houdart

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Encore une fois, je vous retrouve pour vous présenter une illustratrice que j’aime énormément ^^ Nous avions déjà parlé de Justine Brax, Sébastien Pérez, Max Ducos, Rébecca Dautremer, sans oublier les articles sur des albums de Benjamin Lacombe, mais aujourd’hui j’aimerais vous montrer mes albums chouchous illustrés, et écrits pour certains, par Emmanuelle Houdart !

Emmanuelle Houdart est née en Suisse. Elle est diplômée de l’école des beaux-arts de Sion et de l’école d’Arts visuel de Genève. Elle est peintre et illustratrice depuis 1996, et a reçu plusieurs prix pour ses albums jeunesse.

Ca m’a fait tout bizarre de retomber sur ses albums dans la bibliothèque où je travaille, car a m’a rappelé que toute petite déjà j’avais été très marquée par son style et son univers très onirique et farfelu. Et étrangement, à chaque fois que je croise ses albums, j’ai l’impression qu’il en émane une sorte de calme, de tranquillité. Je pourrais les observer pendant des heures ! Pour ne rien gâcher, c’est très coloré et il y a mille et un petits détails inattendus qui parleront aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

Résumé (avis du site Ricochet) : Après « Emilie Pastèque » qui nous avait déjà conquis il y a de cela un an, « L’abécédaire de la colère » témoigne une nouvelle fois du talent de Emmanuelle Houdart. Avec ses personnages mi-ogres ou mi-géants, humains ou animaux, théâtrales et si expressifs, elle nous entraîne dans un dédale de vingt-six pages à la découverte d’un alphabet colérique avec des arrêts sur le B comme bagarre, le E comme Enfer, le J comme Juge, le N comme Noir ou le X comme Xénophobie. Une exploration de la colère qui promet quelques surprises ! Tout y est très fort et intense jusqu’aux illustrations rouges feu.

Un superbe album dans les tons de rouge, une de mes couleurs préférées ^^ Un album qui aide aussi à mettre des mots sur un sentiment qui a de multiples facettes, qu’on ne peut pas s’empêcher de ressentir et qui parfois nous enferme dans un cercle vicieux. J’adore :3

Résumé (avis du site Ricochet) : « Il était une fois… », c’est donc un conte ! Preuve en est le nom des personnages « Sublime princesse » et « Vaillant prince ». Nous les suivons ainsi au cours de leur périple, le voyage de la vie, dans « les multiples épreuves qui les attendaient ». Humour et dérision marquent cet album puisque les épreuves sont terriblement banales, il s’agit des (dés)agréments de la vie de famille depuis les difficultés de la maternité jusqu’aux exigences des enfants qui grandissent. La force de cet album tient au rythme engendré par les jeux d’écriture et d’illustration. Le texte scande chaque épisode par une phrase de structure répétitive et il est développé par une image à la fois froide et exubérante où les père et mère de profil « dominent » comme ils peuvent les enfants et construisent peu à peu leur image parentale. Tout cela donne le sentiment d’un théâtre d’images et pousse à la réflexion.

Un beau livre plein d’émotions, tant pour les petits que pour les grands. A travers cette histoire, c’est aussi un peu de la vôtre que vous livrez à votre enfant : la rencontre, les galères infinies de la parentalité, votre enfant qui grandira toujours plus et s’éloignera un peu, mais toujours beaucoup d’amour !

Résumé : Merlin s’inquiète : d’étranges personnages se cachent dans ses endroits favoris, lui boivent son biberon ou jouent avec ses cubes. Juste le temps de tourner la page et le personnage révèle sa vraie nature : les intrus, certes encombrants, ne sont que tendresse à partager !

Un très joli livre pour les plus petits, rigolo et doux à la fois ! Je m’éclate à le lire à des tout-petits quand je vais faire des lectures en crèche avec les collègues de la bibliothèque, c’est mon préféré 😀

Résumé : Au fil des pages de cet album «cocon», elle explore la notion d’abri. L’abri primordial, celui dont peut-être on garde la nostalgie toute notre vie durant, c’est évidemment celui du ventre de la mère. Le berceau, la maison, la cabane, tous ces lieux sont autant d’abris. Mais l’amour est aussi un abri : celui du parent, du frère, de l’amoureux. Des phrases très courtes et musicales viennent compléter les images d’une grande douceur d’Emmanuelle, à la manière d’une berceuse. L’album s’ouvre sur le ventre maternel et se referme sur la douceur du vieillard portant un tout-petit. Lequel est un abri pour l’autre ? Les deux assurément…

Alors celui-là, c’est mon album doudou. Pour moi qui ait très souvent des angoisses, rien qu’ouvrir le livre et regarder les illustrations me fait me sentir mieux ^^ Il y a des abris pour tous les âges, pour toutes les personnes et pour tous les moments, c’est un coup de coeur ❤

Résumé : Grandir est un album qui décrit le parcours de vie comme une succession de métamorphoses. Un être vient au monde, traverse l’existence, comme un voyage au cours duquel il observe ses changements d’état. Chaque apprentissage a sa temporalité, certains s’opèrent rapidement, durant l’enfance en particulier, d’autres nécessitent une vie entière. Grandir est un hymne à l’existence, il célèbre l’expérience singulière de chacun, un récit à lire avec nos tout-petits, à partager comme un pont entre les générations, à relire au cours de sa vie…

Tout comme Abris, j’ai adoré celui-ci. De la naissance à la vieillesse et à la mort, toutes les étapes de la vie sont illustrées avec beaucoup de bienveillance et d’amour. Il y a les moments heureux, les moments tristes, les doutes et finalement les moments où l’on prend confiance. Le livre aide beaucoup à relativiser tout ce temps qui passe en le remplissant de tout ce qui fera une vie, jusqu’au moment où on « ne sera plus là », mais où on laissera quand même une petite part de soi.

Résumé : Depuis toujours la mort est un sujet universel qui traverse tous les humains, du tout petit au vieillard. Elle soulève beaucoup d’émotions, parfois contradictoires, comme la peur, la fascination ou la répulsion. À travers quatre chapitres, Emmanuelle Houdart présente une sélection de tableaux liés à la mort, à la fois très concrets mais aussi imaginaires, voire spirituels. Mais d’ailleurs, sur le sujet, où s’arrête le réel et où commence l’imaginaire ? Quiconque a côtoyé de près un enfant sait que la question de la mort est omniprésente et naturelle chez lui.
Emmanuelle Houdart raconte la mort avec ce même naturel, la rendant à la fois familière et étrangère, elle nous rappelle avec cet album l’essentiel : la vie est précieuse, vivons-la joyeusement et à fond !

Malheureusement, je n’ai eu que le temps de feuilleter celui-ci, mais il m’a énormément plu et j’ai hâte de pouvoir le lire plus en détail ! La mort et tout ce qui l’accompagne sont loin d’être des sujets faciles : mais cet album permet pourtant de les aborder avec beaucoup de douceur. C’est riche en détails, sans pour autant susciter un regain d’angoisse, tout est expliqué de manière très naturelle.
C’est assez marrant, en prenant les albums dans l’ordre chronologique (comme je l’ai fait), on a l’impression de voir une vraie progression aussi dans le cheminement de pensée de l’auteure : rébellion, vie d’adulte, l’arrivée des enfants, qui confronte aussi au fait de vieillir et de mourir un jour… Mais comme je vous le disais plus haut, les illustrations d’Emmanuelle Houdart me font toujours cet effet, celui de me sentir dans un cocon de rêves ❤

J’espère vous avoir donné envie de la découvrir si ce n’est pas déjà fait ! Je l’ai redécouverte par pur hasard à l’âge « adulte », et ça me fait un bien fou, je pense que je vais bientôt m’en acheter quelques uns pour les avoir toujours sous la main en cas de besoin ^^

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Comment Mélissandre la petite sorcière découvrit le secret du bonheur

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ^^ Est-ce que vous aussi vous avez une pile de trucs à recoudre ou à rajuster à votre taille ? Parce que moi oui et en plus elle est super grande vu que je tarde à m’y mettre XD Je pense que ce va me servir de prétexte pour un marathon Tolkien 😇 Version longue bien sûr 😁

Nouvelle chronique littéraire ! Aujourd’hui un livre que j’ai découvert à la bibliothèque où je travaille, et qui m’a beaucoup marquée. J’hésite encore sur comment le qualifier : c’est un livre jeunesse, assez épais soit dit en passant, mais le propos parfois dur (mais nécessaire) et le côté philosophique de l’histoire en font un ouvrage très particulier. Voici Comment Mélissandre la petite sorcière découvrit le secret du bonheur de Guillaume Bianco, écrit en 2021. Pour ceux et celles d’entre vous à qui le nom de l’auteur dirait quelque chose, il a également écrit les BD Ernest & Rebecca (que je vous conseille vivement si vous ne les connaissez pas encore) et Billy Brouillard.

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Un peu de poésie de femme : Je te demande, ô Mort

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Bien le samedi bande de poésies, nouveau bonjour et nouveaux gens ! On se retrouve encore une fois pour vous faire découvrir une poétesse. Quand je pense qu’on nous bassine avec les grands messieurs de la poésie, alors que ces femmes aussi sont là, même époque, mêmes courants littéraires, il faut juste se donner la peine de chercher ; et on ne me fera pas croire qu’elles sont moins connues parce qu’elles écrivaient moins bien. Leurs poèmes, leurs plumes, leurs émotions m’emmènent si loin, aussi loin que mes poèmes préférés de Baudelaire ou Laforgue, et plusieurs d’entre elles ont reçu des prix. Alors non, vous ne me ferez pas croire qu’elles sont moins bien connues à cause de leur écriture. Si tous les manuscrits de romans que je dois écrire dans ma vie se voient rejetés, dussé-je ne publier qu’une seule chose, ce sera un recueil consacré à ces femmes.

Bref ! Trêve de grands discours, je vous présente Hélène Vacaresco, née en 1864 et morte en 1947. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle était une femme de tête ! Et cette fois-ci, on va échapper au schéma d’une femme morte jeune et écrasée par le poids de la vie malgré (ou à cause de) son talent indéniable ; ça paraît peut-être cruel, mais c’était dur de le louper sur les dernières poétesses que je vous ai présentées. Hélène était donc une femme de lettre mais aussi une diplomate franco-roumaine, issue de l’aristocratie de Valachie (ici je dois faire un effort pour ranger tous mes fantasmes de vampires et autres Transylvaniens, les jeux Castlevania ont un peu trop déteint sur moi). Sa page Wikipédia ne mentionne pas de famille, je ne peux donc que supposer qu’elle n’a jamais été mariée. Elle ne s’est pas contentée d’écrire des poèmes, loin de là : romans, pièces de théâtre, traductions, tout y est passé. Côté reconnaissance littéraire, elle a reçu deux pris de l’Académie Française ainsi que la Légion d’Honneur, et elle fut également la première femme intégrée au sein de l’Académie roumaine. Ah, et un cratère sur Vénus porte également son nom. On en est à ce niveau de classe galactique. D’où ma question initiale : comment, au nom de mon tiroir à chaussettes, comment se fait-il qu’elle ne soit pas davantage reconnue dans nos manuels sdhglksjheitu. Excusez-moi, je vais prendre mes cachets.

Mes cachets dûment expédiés au fond de mes toilettes, reprenons ! Je ne m’en aperçois aussi que maintenant, mais plus que toutes les autres poétesses que j’ai pu croiser, Hélène Vacaresco n’est rattachée à aucun mouvement littéraire, chose pourtant courante quand on parle d’écrivains. Alors est-ce parce qu’on ne parle pas assez d’elle, ou bien parce que les courants littéraires ont été construits sur la base d’écrits masculins et ne peuvent donc s’appliquer qu’imparfaitement aux écrits féminins, ou encore que les écrits d’Hélène sont trop atypiques pour être classés, je vous laisse juges. Il y avait beaucoup de poèmes que je voulais vous montrer, dont un qui est souvent cité et intitulé « Il passa ». Cependant c’est celui-ci qui m’a le plus interpellée : « Je te demande, ô Mort », extrait du recueil Lueurs et flammes, paru en 1903.

Je te demande, ô Mort, de reprendre à mon âme  
Les biens qui m’ont poussée au besoin de mourir ;
Mais dans l’éternité je voudrais rester femme.
Garder mon cœur splendide ou meurtri du désir,

Goûter le paradis en extases fragiles,
Subir l’enfer avec mon féminin effroi.
Et garder, cher captif entre mes bras débiles,
Ce grand pouvoir d’amour que rien n’épuise en moi.

Je voudrais demeurer femme tremblante et forte.
Conserver mon destin de frissonnant orgueil,
Et voir encor frémir à mon front clair de morte
Le voile de ma grâce au-delà du cercueil.

Par les vagues séjours dont le mystère mêle  
Tant d’attraits aux pensers tournés vers le trépas,  
Qu’aux rumeurs d’infini joignant un rythme frêle  
Le bruit frais de ma robe entoure encor mes pas !  

Que je sois tour à tour reine, sœur ou servante,  
Aux rivages de joie ou sur les mornes bords,  
Que je reste à jamais redoutable ou touchante  
A force de vouloir, de faiblesse et d’efforts !  

Et tandis que j’irai refleurissant sur terre
Dans les symboles fins de l’être et de sa loi,
Dans la tige et le jonc, et dans l’eau passagère,  
Dans la lune qui tient la mer entre ses doigts,  

Quand l’humblesse attirante et quand l’audace triste  
Rappelleront mes jours ceints d’ombre et de remous,  
Ce qui change et revient, ce qui ploie et persiste  
Sera, mon Cher Destin, une image de vous.  

J’emporterai là-bas aux plis de ma poussière  
Mon vêtement de charme et de fragilité,  
Mes deuils seront intacts et mon essence entière :
Je voudrais rester femme en mon éternité.   

Je pense que ce poème pourra plaire à pas mal de féministes, je suis même surprise de ne pas le voir davantage cité. Il s’agit d’un poème où la narratrice s’adresse à la mort : sans aucune illusion sur sa fin funeste, elle souhaite néanmoins conserver ce qui fait qu’elle est femme selon elle. Et c’est plus complexe qu’il n’y paraît ! On remarque assez vite l’opposition entre faiblesses et forces, le fait qu’elle soit faible physiquement et pourtant douée d’une volonté et d’une fierté à toute épreuve ; mais ces deux caractères opposés sont réunis dans une allitération (= répétition de sons consonnes) en f, en particulier dans le second quatrain. Ses émotions autant que sa raison sont mises en avant : l’amour, l’orgueil, la peur, la puissance, la tendresse,… On pourrait prendre pour de la coquetterie son envie de rester telle quelle, notamment avec l’allusion à la robe et aux vêtements, mais je pense que ça va beaucoup plus loin : c’est de la dignité. Les vêtements dont il est question sont en fait les multiples aspects de sa personnalité qui l’enveloppent et la constituent.
Bien sûr, la mort l’effraie, bien sûr elle n’ignore rien du processus de décomposition du corps, évoqué de manière implicite (corrigez-moi si je me trompe) dans le sixième quatrain. Mais pour autant, il n’y a aucune supplication, aucune prière, aucun atermoiement dans le poème. Sa féminité est tout à la fois fierté, faiblesse, force, tout cela mélangé en un seul être humain ; et peu importe sa position mouvante dans l’échelle sociale, les bouleversements provoqués par le rythme changeant de la nature, elle est et reste femme. Forte de sa féminité, c’est donc en femme qu’elle se présentera à la Mort ; Mort qui est loin d’être son ennemie puisqu’elle l’accepte. Et c’est puissant ! D’autant que pour une fois, il n’est pas question d’une opposition entre la femme qui s’émancipe et les autres (hommes/société/religion/…) : c’est la femme seule qui s’affirme, sans soutien ni antagoniste par rapport auquel elle se définirait, car elle n’en a nul besoin pour dire qui elle est.

Illustrer ce poème a été un casse-tête sans nom. Les images de femmes avec la Mort, ce n’est pas ce qui manque, mais aucune ne correspondait avec le ton du poème. Dans les tableaux et les images les plus anciens, la Mort force la femme à la suivre et celle-ci n’est que répugnance et terreur ; dans les images de type vanité, c’est purement et simplement la futilité de la coquetterie féminine qui est mise en avant. Dans les illustrations récentes type fanart, deux voies possibles : romantique et érotique. Soit une histoire d’amour tragique entre la Faucheuse et une mortelle, soit une version féminisée et très sexualisée de la Faucheuse elle-même. Heureusement, j’ai fini par tomber sur cette gravure de 1880, réalisée par Léon Gaucherel et Sarah Bernhardt (en tant que modèle ou en tant que dessinatrice, j’ai pas su trouver), sobrement intitulée « La jeune fille et la mort ». Bon, on reste sur le thème classique d’une opposition entre jeunesse, fraîcheur, et trépas ; la jeune fille ne regarde pas la Mort et ne s’attend certainement pas à mourir aussi vite. Mais imaginons qu’elle soit consciente de ce fait, tout de suite l’image s’accorde au poème : la Mort comme une simple présence qu’il nous faut accepter, l’abandon des plaisirs matériels sans pour autant renoncer à ce qui nous définit en tant qu’individu… ou en tant que femme.

Pourquoi tu ne peux pas parler aux morts

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Il y a quelques mois, je vous avais présenté deux traductions de creepypastas que j’aimais beaucoup, et ça avait eu l’air de vous plaire aussi donc je remets le couvert 😀 Pour rappel, les creepypasta désignent des histoires effrayantes ou des légendes urbaines diffusées sur Internet. J’aime énormément ce format d’histoires, et j’en lis aussi beaucoup en anglais : deux langues, deux fois plus d’histoires ❤ Je voulais vous faire partager mes coups de coeur, donc je vous traduis mes préférées écrites en anglais ^^

J’ai découvert la creepypasta d’aujourd’hui via la chaîne Youtube de Madame Macabre que je vous conseille vraiment : elle lit des creepypasta anglais avec un accent très facile à comprendre, idéal si vous avez besoin de perfectionner votre écoute ^^ Elle s’intitule Why you can’t talk to the dead, littéralement « Pourquoi tu ne peux pas parler aux morts » C’est à la base une création de Daydalia (je n’ai que le pseudo) sur le réseau social Reddit 🙂 Je vous laisse le lien pour la lire dans la version originale et la vidéo de Madame Macabre :3

Ma tante était une escroqueuse qui avait appris du plus grand – son père. Grand-père n’avait jamais fait les choses en grand mais il vivait pour le jeu. Rester en-dessous des radars était probablement la raison pour laquelle il ne s’était jamais fait prendre. Pas une seule fois. Il en était très fier.
Maman n’a jamais repris l’affaire familiale. Elle s’est tournée vers la religion à la place et a épousé un inspecteur des impôts. C’est tellement ironique qu’on dirait une blague mais c’est la stricte vérité. Papa était le meilleur pour ce qui était d’aider à faire les devoirs de math. Les parents plus spéciaux de ma mère ont été tenus à distance pendant toute mon enfance, pour éviter qu’ils ne m’incitent à suivre des choix de vie plus intéressants.

Tante Cassie était la seule à pouvoir s’insérer dans ma vie. C’était une psychologue diplômée, ce qui la rendait un peu plus respectable. Mais Tante Cassie utilisait sa capacité à lire dans l’esprit des gens d’une toute autre façon, probablement pas celle prévue par l’université où elle avait suivi ses cours.

Tante Cassie était une véritable médium.

Elle avait une boutique et tout ce qui allait avec. Des cristaux, des herbes, des bougies. Tout ce dont vous aviez besoin pour combler le vide mystique dans votre vie pouvait être acheté pour un prix raisonnable dans sa petite échoppe. Il y avait même une salle privée à l’arrière qui était utilisée pour la divination et les séances de médium.

Comme mes deux parents travaillaient, on me déposait souvent à la boutique où j’aidais Tante Cassie lors de ses performances. Tout y passait, depuis les jeux de lumière jusqu’aux coups sur les murs. Jouer avec le thermostat était mon idée et elle était plutôt bonne. Les clients venaient pour avoir des frissons, pas vrai ? Pourquoi ne pas les satisfaire ?
Cassie m’a aidée à devenir la sceptique que je suis aujourd’hui. Elle m’a montré ce qui se passait en coulisses. Nous regardions tous les jours des talk shows avec des magiciens et des médiums, et Cassie expliquait chaque étape, de la lecture la plus basique au point culminant qui captive l’audience (j’ai eu du mal à traduire ce passage, j’ai dû improviser)

Après un épisode particulièrement, j’ai posé naturellement posé la question. N’y avait-il vraiment rien de réal ? La réponse de ma tante a été sans appel :
« Les morts ne parlent pas, gamine. Tous ceux qui affirment le contraire pètent plus haut que leur cul. »
C’était son assurance, plus que tout le reste, qui m’avait convaincue.

Je n’ai vu qu’une seule fois ma tante refuser un client. Il était vieux, chauve et recroquevillé sur lui-même. Il avait enlevé son chapeau quand il était entré et trituré ses mains en parlant. Cassie s’était aussitôt tendue en le voyant.
L’homme affirmait avoir travaillé dans le milieu pénitentiaire. Le couloir de la mort. Il avait été chargé des exécutions des pires criminels que la Terre ait porté. Cela le tourmentait avec l’âge, il était rongé de l’intérieur. Il voulait que Cassie contacte les âmes de ceux qu’il avait tués pour leur présenter ses excuses et implorer leur pardon avant qu’il ne les rejoigne.
Ma tante est entrée dans une colère incroyable. Je ne l’avais jamais vue aussi furieuse ! Elle mugissait et jetait des objets. Lui hurlait de fermer sa gueule et de dégager.
Je me suis cachée sous le comptoir avec mes mains sur mes oreilles jusqu’à ce qu’il s’en aille. Plus tard, j’ai pensé qu’elle avait réagi ainsi parce qu’elle avait peur du travail de cet homme. Un bourreau devait être la plus grande peur d’un arnaqueur.

Un jour, je me suis fait pincer. Je voulais organiser un spectacle de magie pour mes amis and stupidement j’ai pensé que je pourrais jouer les médiums, en prétendant parler à Grand-Père pour Maman, puisqu’il lui manquait tant. Enorme erreur. Maman a complètement paniqué et m’a interdit de revoir sa soeur.

J’avais laissé quelques cahiers à la boutique, alors j’ai dû y courir et les attraper pendant que ma mère fumait dans la voiture. Tante Cassie n’a même pas eu à demander ce qui se passait. Elle pouvait lire sur mon visage après tout. Je lui ai donné un câlin et lui ai dit aurevoir en pleurnichant. Toutefois, elle m’a dit un dernier secret.
« Gamine, il y a une malédiction dans cette famille qui se transmet comme un flambeau. Je prie tous les dieux, si tant est qu’il y en ait, pour qu’elle ne te soit pas transmise quand je m’en irai. »

Nous ne nous somme plus reparlé pendant plus de neuf ans. Jusqu’à ce que facebook devienne populaire et qu’aucun verrou parental ne puisse m’empêcher de me connecter. C’était malaisant. Sa vie avait pris un tour difficile ; on lui avait diagnostiqué un trouble schyzophrène, ce qui a fini par couler son magasin. Pour payer les factures, elle avait dû se ranger et avait perdu, avec son affaire, toute sa force et sa joie de vivre.

Un jour, en rentrant à la maison, j’ai trouvé un message qui m’a donné l’impression que mon estomac venait de se remplir de plomb.
« Je t’aime, gamine. Souviens-toi de ce que je t’ai dit. »
J’ai composé son numéro, déjà en pleurs. Pas de réponse. Mais j’ai continué à appeler encore et encore et encore et encore…
C’était trop compliqué de le dire à ma mère. La police s’en est chargé le lendemain. Accident de voiture. Alcool au volant.

Les funérailles étaient comme floues. Des parents que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam s’était rassemblés dans l’église. Je m’assis entre mes parents au premier rang et fouillai ma mémoire pour me rappeler ce que ma tante voulait me dire.
Nous avons suivi le corbillard jusqu’au cimetière en silence. Le prêtre fit ses dernières prières et je me retrouvai seule près de sa tombe, essayant toujours de me souvenir. Des bouts de la conversation de mes parents arrivaient à mes oreilles sans que j’y prête attention. Si seulement Cassie n’avait pas été aussi énigmatique.
« – m’attendais à un enterrement aussi vide. Quel dommage. »
Un enterrement aussi vide ? Ca m’a fait tiquer. Pendant le service l’église était pourtant pleine à craquer. Je me suis retournée pour dire quelque chose et j’ai enfin compris.

Derrière mes parents il y avait une foule de gens, debout et fixant le vide devant eux. Mes parents ne leur prêtaient pas la moindre attention. Le prêtre murmurait quelques condoléances apaisantes et présentait ses excuses, marchant en plein milieu du groupe sans déranger la moindre personne.
A la tête du groupe, avec la même apparence que le jour où je l’avais quittée, il y avait Cassie. Tous les « repose en paix » du monde ne lui auraient fait ni chaud ni froid. Sa bouche était grande, grande, largement ouverte, et juste alors, j’ai su.

Je sais quelle est la malédiction familiale. Je sais pourquoi les morts ne parlent pas.

Ils sont trop occupés à hurler.

Love, Death and Robots

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Petite question : suis-je la seule à avoir un bug sur instagram qui m’empêche de publier des vidéos depuis deux jours ? Non pas que ça m’ennuie personnellement mais c’est pour le boulot alors c’est un poil plus énervant 🤬😭 …

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Nouvelle chronique ! Aujourd’hui je voudrais vous présenter une nouvelle série Netflix, j’espère qu’elle vous plaira autant qu’à moi ^^ Mon frère m’avait chanté ses louanges, il m’a fallu un petit moment pour m’y mettre mais je dois dire qu’il avait entièrement raison, elle est ultra addictive ! Love, Death and Robots est une série d’animation créée en 2019 par Joshua Donen, David Fincher, Jennifer Miller et Tim Miller. La série se compose d’épisodes courts, autour de 15 minutes chacun ; à chaque épisode une nouvelle histoire et une nouvelle équipe pour faire les graphismes et l’animation. Il y a actuellement deux saisons, la dernière datant de cette année : croisons les doigts pour qu’il y en ai une nouvelle ❤

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