Bien le samedi bande de poésies, nouveau bonjour et nouveaux gens ! Aaah, ça m’avait manqué, et vous savez quoi ? C’est de tout un recueil que j’ai envie de vous parler ❤ Je l’ai découvert à la bibliothèque et, bien évidemment, il a fini sur ma wish-list sans même hésiter. Roulement de tambour pour Couleurs primitives de Jeanne Cherhal !
Née en 1978, Jeanne Cherhal est une pianiste, chanteuse et comédienne française. Plutôt tournée vers un style de musique rock, elle a sorti 6 albums dont certains ont été primés et très bien accueillis par le public, ce qui lui a permis de faire plusieurs tournées en France. C’est aussi une artiste engagée, sensible à la cause des travailleurs sans-papier étrangers, du féminisme et des violences sexistes et sexuelles. En 2022, elle se fait poétesse et sort un recueil de poésies érotiques illustrées : Couleurs primitives. Un seul poème m’a suffit pour l’adorer, « Incarnat » :
J’ai l’innocente faiblesse,
Le banal défaut,
Le travers, la maladresse,
Le vrai porte-à-faux,
Le déplaisir passager,
Le tic énervant
(Mais par pitié, abrégez !)
… Je rougis souvent.
Un trouble, un mot confondu,
Un compliment vague,
Un léger malentendu
Et voici la vague.
Voici les joues qui me cuisent,
Pommes cramoisies.
L’incendie sur la banquise
(On a bien saisi).
Là, mon teint prend la couleur
Aimable à rosir
D’un bourgeon ensorceleur
Fait pour le plaisir.
Oui, cet incarnat piment
(De belle écrevisse)
Est l’authentique pigment
De mon clitoris.
J’adore le ton mutin de ce poème, à la fois innocent et coquin ❤ Ni culpabilité ni fausse pudeur, encore moins de tabous : c’est une confession et une mise à nu en totale confiance, un appel au jeu et à la taquinerie. C’est… léger ! C’est si léger et ça fait tellement de bien ! Ni graveleux ni secret, juste léger et sincère. Conteuse experte, Jeanne Cherhal fait monter l’attente et l’excitation jusqu’au point culminant : une vraie métaphore en sous-texte pour l’orgasme, avec une lente montée, et une narration qui joue et agace le lecteur pour mieux faire durer le plaisir mutuel ! Et d’autres métaphores, écrites celles-ci, donnent quelques indices avant même de lire le dénouement : la couleur rouge, la vague comme celle du plaisir qui monte, les pommes qui sont les fruits symboliques de la tentation (moins culpabilisante pour une fois !), ou encore le feu qui fait fondre la glace.
Aaah, ça c’est de la poésie qui j’aurais aimé découvrir plus tôt, et un très beau pendant à une poésie qu’on se représente encore trop facilement comme d’un autre temps, masculine, avec souvent pour objet une femme idéalisée, diabolisée… rarement réelle. D’ailleurs, un des poèmes préférés de Jeanne Cherhal est « L’invitation au voyage » de Baudelaire : c’est l’un des plus connus du poètes, celui dont on tire des vers que vous avez entendu au moins un fois, même sans savoir d’où cela venait :
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Bref, une super découverte que je vous recommande absolument, que vous soyez homme ou femme 😛 A lire juste pour soi, ou pour pimenter un moment à deux, qui sait ? ^^