Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.
La lumière blanche d’un jour terne filtrait par la porte entrebâillée. L’ouverture ne permettait d’entrevoir que le tatami immaculé et l’angle du futon. La paroi de papier qui constituait le shoji ne laissait, elle, distinguer que quelques silhouettes semblables à celles des théâtres d’ombres.
L’adolescente, recroquevillée sur elle-même, approcha la tête de l’ouverture le plus discrètement possible. Elle retint sa chevelure d’une main avant que celle-ci ne touche le sol, craignant que le bruissement ne suffise, dans le silence, à trahir sa présence. L’espace n’était toutefois pas suffisant pour qu’elle perçoive grand-chose de la chambre. Cette dernière, située au troisième étage du donjon, était aussi vaste que se devait de l’être celle de l’héritier de l’illustre famille. Yuki recula un peu et se tordit à demi le cou en essayant de trouver un angle plus propice, jusqu’à ce que son regard tombe sur la main de son frère.
Elle était immobile, dans sa blancheur, simplement posée sur le futon. Elle aurait pu se confondre dans les draps blancs tant elle était pâle. La longueur et la finesse des doigts, la minceur du poignet, tout évoquait une féminité et une fragilité qui auraient pu paraître déplacées chez un garçon, mais qui lui avaient conféré au contraire une aura de pureté et de noblesse.
La main autrefois pleine de vie n’avait plus que la peau sur les os. Ses doigts décharnés rappelèrent à Yuki les brindilles qu’elle s’amusait à briser dans un bruit sec lorsqu’elle était plus jeune. Elle s’imagina un court instant qu’il s’agissait des doigts de son frère. Crac.
Un froissement de tissu attira l’attention de l’adolescente, la faisant sursauter. Elle recula instinctivement, se cachant de l’autre côté de la porte, attendant avec anxiété que quelqu’un vienne la déloger. Le kimono de sa mère ou du guérisseur, glissant sur les tatamis, était certainement à l’origine du bruit. Yuki crut distinguer un bout de tissu blanc par terre, blanc comme la couleur des vêtements funéraires. Elle entendit un soupir puis une voix féminine et lasse s’éleva :
– Est-ce qu’il vivra ?
