Archives de Catégorie: Fantasy

Littérature imaginaire, souvent surnaturelle, par exemple le Seigneur des Anneaux.

L’Enragée

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Bien le bonjour bande de gens, j’espère que vous allez bien ! Le matin, c’est toujours dur. Faut se lever, déjà. Ensuite se préparer, physiquement et psychologiquement, à aller voir des gens et leur parler. Rien que le fait de devoir me coller sous la douche, ou même sortir hors de ma couette me révulse. Alors des fois, j’appelle mon majordome, pour qu’il vienne et m’apporte une robe de chambre, des pantoufles et un bon p’tit déjeuner. Je n’ai pas de majordome, mais des fois qu’il en apparaisse un pendant la nuit… ça vaut le coup d’essayer 😀

Nouvelle chronique littéraire ! Un livre que j’ai découvert totalement par hasard en librairie, mais oh quelle belle découverte ce fut 😀 Il s’agit de L’Enragée de Jennifer Tellier, édité par les éditions 404 et lauréat de l’année 2020 de feu la plateforme d’écriture 404 Factory ! On part donc avec de bonnes promesses, et je vous encourage déjà à aller jeter un œil aux autres livres de l’auteure 🙂

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Premières lignes… #288

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Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

ALIZEH COUSAIT DANS LA CUISINE à la lueur des étoiles et du feu, assise, comme elle le faisait souvent, recroquevillée à l’intérieur de l’âtre. La suie tachait sa peau et ses jupes, formant des traînées disparates, une trace dans le creux de ses joues, un peu de noirceur saupoudrée au-dessus d’un œil. Elle n’avait pas l’air de s’en rendre compte.
Alizeh avait froid. Non, elle était congelée.
Souvent, elle aurait aimé que son corps soit pourvu de charnières, afin de pouvoir ouvrir en grand une trappe dans sa poitrine, la remplir de charbon, puis de kérosène, et frotter une allumette.
Hélas !
Elle releva ses jupes et se blottit plus près du feu encore, prenant garde à ne pas endommager le vêtement qu’elle devait encore à la fille illégitime de l’ambassadeur de Lojja. L’ouvrage compliqué et scintillant était sa seule commande du mois, mais Alizeh espérait secrètement que cette robe-là lui apporterait de nouveaux clients, car des commandes d’un tel niveau étaient le résultat direct d’une envie qui ne pouvait naître que dans une salle de bal, ou autour d’une table de dîner. Tant que le royaume demeurait en paix, l’élite royale – ses membres légitimes comme les illégitimes – continuerait à organiser des fêtes et à créer de la dette, ce qui voulait dire qu’Alizeh pourrait encore d’une manière ou d’une autre soutirer quelques pièces de leurs poches brodées.
Elle frissonna si violemment qu’elle faillit rater un point et basculer dans le feu. Un jour, quand elle était toute petite, Alizeh avait eu si froid qu’elle avait rampé pour se coucher intentionnellement dans des braises mourantes. Bien sûr, il ne lui était pas venu à l’esprit que cette chaleur pourrait la consumer ; elle n’était qu’une fillette qui suivait son instinct pour se réchauffer. Alizeh ne savait encore rien de la singularité de son affliction, car le gel qui la rongeait de l’intérieur était si rare qu’elle passait pour un être étrange, même au sein de son peuple déjà considéré comme des plus singuliers.
Ce fut donc un miracle que le feu se contente de dévorer ses vêtements et d’envahir la maisonnette d’une fumée qui lui piqua les yeux. Le cri qui suivit, cependant, fit comprendre à la petite lovée bien au chaud qu’elle devait changer de méthode.
Frustrée par ce corps qui refusait de se laisser réchauffer, Alizeh avait versé des larmes glaciales, tandis que sa mère la tirait du feu, ce qui lui avait valu de terribles brûlures dont elle étudierait ensuite les cicatrices pendant des années.
« Ses yeux », avait gémi la mère tremblante à son mari, accouru en entendant ses cris de détresse. « Regarde ce qui est arrivé à ses yeux… Ils la tueront pour ça… »
Alizeh se frotta les yeux dans l’âtre et toussa.
Elle était bien sûr trop jeune pour se souvenir des mots exacts de ses parents ; son souvenir était sans doute modelé par l’anecdote maintes fois répétée, au point de s’être si bien infiltrée dans son esprit qu’elle imaginait pouvoir se rappeler la voix de sa mère.

Solo Leveling

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Bonjour à tous, j’espère que vous allez bien ? Pour ma part ça peut aller. J’ai longtemps hésité quant au choix du livre sur lequel je devais rédiger une chronique. En ce moment, je suis plongé dans une lecture, mais elle me donne pas mal de maux de tête, donc je préfère attendre un peu avant de vous en parler. Ce livre est en ma possession depuis un certain temps, et je me suis dit : « Allez, c’est à toi de jouer, champion ! »

Retournons dans les livres. Solo Leveling est né dans les recoins virtuels de la toile coréenne, une création de Chu-Gong. Imaginez-vous en 2016, où ce cerveau créatif a lancé cette pépite sur le site web sud-coréen KakaoPage. Aux pinceaux, Jang Sung-Rak a pris le relais, dessinant des mondes fantastiques avec autant de style que Picasso en aurait mis dans un jeu vidéo. Le buzz a pris de l’ampleur, la série a décollé et, avant que vous ne puissiez dire « niveau supérieur », Solo Leveling a conquis le monde, se frayant un chemin au-delà des frontières sud-coréennes. Les fans, venant des quatre coins du globe, ont été ensorcelés par l’intrigue palpitante et le coup de crayon magique.

Pour la petite anecdote, tout au long de Solo Leveling, les créateurs ont semé des clins d’œil subtils aux fans attentifs. Cependant, ce n’était pas qu’un simple jeu de cache-cache artistique. À plusieurs reprises, les réactions passionnées de la communauté ont inspiré des ajustements narratifs. Certains arcs ont été réécrits en réponse aux retours des lecteurs, créant ainsi une dynamique unique où les fans sont devenus, en quelque sorte, des co-auteurs de l’histoire. C’est une preuve tangible de la façon dont Solo Leveling a transcendé les pages pour devenir une expérience interactive.

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Premières lignes… #287

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Autrefois, entre la mer de Corail et l’océan Indien, mais sur le chemin de nulle part, s’étendait un district du nom de… Oh, disons Inglewell.
Aujourd’hui, bien sûr, il s’est fait aplanir par l’ingénierie solide et sans aspérité des sociétés minières. Les villes et leurs histoires, déterrées, transformées. Quelques points de repère demeurent inchangés : l’inévitable monument aux lointaines guerres du passé, les noms des rues. Cela dit, chaque ville ou presque érige un mémorial de cette sorte, et on trouve souvent une rue nommée Spicer Street ou une route appelée Pinnicke Road. On n’est jamais sûr d’être arrivé à destination.
Cependant, il n’y a pas si longtemps, c’était un endroit comme la paume d’une main, fixé sur la ligne du temps par ses trois villes : Woodwild, Carter’s Crossing et Runagate, celle où j’habite.
Runagate – Cœur d’Inglewell, gravé sur la pierre de l’écriteau de bienvenue. Treize rues, un seul pub encore en activité, jamais eu de banque. Une épicerie disposant d’un banc confortable à l’extérieur et l’air conditionné soufflant à travers les bandes de plastique brillant tombant devant la porte. Un château d’eau aux motifs blanc, rouille et ombre. Trois églises, chacune plus petite qu’une maison. La précision tranchante de rosiers entretenus avec difficulté, plantés dans des jardins entourés de clôtures en fil de fer, aménagés sur les corps enterrés de kangourous victimes d’accidents de la route. Des géraniums brûlants comme des allumettes. L’arôme des poivriers, l’éclat des lauriers-roses vénéneux, la sainte mort accordée par le brugmansia, qu’on appelle ici trompette du jugement, couleur abricot tout comme le coucher du soleil. Des terrains de foire, joliment peints en blanc cassé et en vert petit pois. Des enclos à bétail. Une école de plain-pied, toute en longueur, sentant les sandwiches à la confiture écrasés, les odeurs fortes des feutres bon marché et des gommes fantaisie.
Parmi les trois villes d’Inglewell, seule Runagate avait encore un pouls régulier. Woodwild avait déjà presque disparu ; Carter’s Crossing avait à peine existé. Elles se tenaient les unes aux autres par des rubans effilochés de bitume bleu-noir fracturé et des cordons de terre côtelée, frangés de sable pâle ou perlés de cailloux rouge sang (non pas souillés par des massacres, non, ni maudits, quoiqu’on ait pu murmurer certaines choses sur la manière dont la famille Spicer avait créé Runagate Station).
Cet enchevêtrement triangulaire de routes et de chemins embrassait le district d’Inglewell : les collines et les broussailles scintillaient dans une lumière blanche comme la poudre, s’estompant en bleu craie ; les herbes pointues poussaient, pâles dans les enclos, vertes et bordeaux sur le pourtour ; les cabanes grises se repliaient en elles-mêmes comme la mémoire. Puis, plongeon dans des ombres violettes, le cliquetis d’un troll sous un vieux pont en bois, un secret d’émeraude sombre et le cri de barrière des cigales. Ensuite, nouvelle élévation, puis chute du haut du ciel, dans la brume de l’herbe.
Une beauté fragile : trop aisément blanchie par la poussière et l’histoire, déshydratée par la chaleur, déchirée par les coups de fusil et de pare-buffle, aveuglée par le soleil sur le métal. Aisément délaissée, par dégoût, par peur. Mais si l’on sortait de la voiture pour se détendre les jambes, et qu’à la place on restait tranquille, si l’on patientait, accroupi, elle vous trouverait, louvoyant dans l’herbe comme la brise. La lumière et la douceur s’insinueraient dans les os, les veines. Elle insufflerait du rythme dans le sang comme un tambour sous terre.

Premières lignes… #286

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Les vieux murs tremblèrent. L’orage déchaîné rendait l’arrivée du nouvel étudiant particulière. Loin de l’habituelle euphorie générale, il flottait dans le majestueux hall du château de l’université une atmosphère presque inquiétante.
Un éclair inonda les colonnades de sa lumière blafarde. Appuyée contre l’un des piliers, Diba regardait de dessous son ample capuche l’attroupement de jeunes gens étrangement silencieux. La rumeur avait couru des semaines durant, déposant sur toutes les lèvres une seule question : comment un fils de rien pouvait intégrer la prestigieuse université de magie de Puy-sur-Embruns deux mois après la rentrée ? La réponse était tombée quelques minutes plus tôt : un maîtrecartes, l’une des deux raretés du monde des mages.
Les étudiants commencèrent à s’agiter. Des murmures formaient un bruit de fond sourd et détestable. Ils gagnèrent en intensité avec l’avancée de l’intrigant Sadge Bawen qui fendit la foule sans lui accorder la moindre attention. Le directeur adjoint, monsieur Dessavac, le précéda au milieu de ce comité d’accueil improvisé, chassant les curieux de ses habituels claquements de doigts agaçants.
Si Sadge ignora tout le monde, il remarqua en revanche l’étudiante solitaire autour de laquelle s’était formé un large périmètre de sécurité. Cette dernière ne retint de lui que son odeur de pluie automnale.

Monsieur Dessavac, grand homme d’une soixantaine d’années à l’allure aussi impeccable que sa coiffure gominée, se tenait droit comme les deux tours principales du château. Sadge l’imagina se rompre à la moindre pression tant la tension dans son corps était perceptible. Le directeur adjoint guida le jeune homme sous la galerie longeant le réfectoire commun capable d’accueillir les vingt mille étudiants et les dix mille employés universitaires. Ses dimensions étaient prodigieuses, autant que la hauteur de ses vitres à émail coloré.
Au bout du chemin, une porte ouvrait le passage sur un large couloir. Un escalier perçait la paroi de droite. Trois étages plus haut, un défilé de statues sous des voûtes ouvragées conduisait à une porte en bois massif. Les deux battants étaient tenus fermés par une serrure sans poignée composée d’un couple de femmes enlacées. Le métal patiné s’anima par lui-même, les représentations ouvrirent leurs yeux vides sur les visiteurs.
— Seul le garçon passe, annoncèrent-elles en s’éloignant l’une de l’autre.
— On dirait que je suis pistonné, commenta Sadge sans joie.
— La directrice s’entretient toujours avec les étudiants arrivant en cours d’année, vous n’êtes pas une exception, grinça Dessavac.
Il avait beau faire bonne figure, le directeur-adjoint était piqué. Peu désireux de faire durer l’instant, Sadge pénétra dans le vaste bureau. La porte se referma derrière lui, puis le bruit du verrou claqua et ce fut le silence. Face au jeune homme, une paroi vitrée permettait de voir par beau temps l’université en contrebas car le château, sur son promontoire rocheux, la dominait tout entière. À cet instant, il ne vit qu’un voile de pluie à peine déchiré par la lumière des éclairs. Sur sa droite se trouvait un bureau encombré de dossiers plus ou moins ordonnés. Derrière les montagnes de papier, une tête à la chevelure verte apparut.