Premières lignes… #312

Par défaut

Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

QUAND il reprit conscience, il gisait sur le dos, le visage baigné de soleil. Il perçut le murmure de l’eau tout proche. Une violente douleur lui cisaillait le nerf optique. Sa nuque vibrait d’une palpitation indolore, régulière – le grondement distant précurseur d’une migraine. Il roula sur le côté et se redressa pour s’asseoir, la tête entre les genoux. Il sentit l’instabilité du monde extérieur bien avant d’entrouvrir les paupières, comme si la gravité avait perdu toute logique. Sa première impression fut qu’une tige métallique lui perçait les côtes, mais il s’efforça néanmoins d’ouvrir les yeux en grognant de douleur. Son œil gauche devait être salement enflé, il ne voyait plus qu’à travers une fente minuscule.
L’herbe la plus verte qu’il ait jamais contemplée – une vraie forêt de longues lames délicates – descendait vers la berge. Vive et transparente, l’eau coulait entre les rochers qui crevaient la surface. De l’autre côté de la rivière, une falaise s’élevait sur trois cents mètres. Des bosquets de pins poussaient sur les corniches. L’air charriait leur parfum et la douceur sucrée de l’eau vive.
Il portait un pantalon noir, une veste noire et une chemise oxford en coton blanc mouchetée de sang. Une cravate noire à moitié défaite lui enserrait le col.
Il tenta de se lever – premier essai. Ses genoux se dérobèrent, et une douleur aiguë lui électrisa la cage thoracique quand il retomba par terre. Sa seconde tentative rencontra davantage de succès. Il vacilla, mais parvint à tenir debout, le sol oscillant sous ses pieds. Il pivota lentement, les pieds bien écartés pour garder l’équilibre.
Il tournait le dos à la rivière, à proximité d’un grand terrain vague. Une aire de jeux. Au loin, les surfaces métalliques des rampes et des parapets scintillaient sous l’intense soleil de la mi-journée.
Pas âme qui vive.
Derrière l’aire de jeux, il aperçut des maisons victoriennes et, un peu plus loin, les bâtiments qui bordaient une rue assez large. La ville commençait à moins de deux kilomètres, nichée au milieu d’un vaste amphithéâtre naturel, cernée d’à-pics rocheux striés de strates rougeâtres qui s’élevaient à plusieurs centaines de mètres. Près des sommets, dans l’ombre, quelques poches de neige subsistaient encore, mais ici, au plus profond de la vallée, il faisait chaud et le ciel sans nuage était d’un cobalt profond.
L’homme fouilla les poches de sa veste et de son pantalon.
Pas de portefeuille. Pas de porte-monnaie. Pas de papiers d’identité. Pas de clés. Pas de téléphone.
Un simple couteau suisse dans une poche intérieure.
Le temps d’atteindre l’autre côté de l’aire de jeux, il se sentait à la fois plus alerte et plus confus. La pulsation à la base de son crâne commençait à le faire souffrir.
Il se souvenait de six choses.
Le nom du président en exercice.
Le visage de sa mère, même s’il n’arrivait pas à se rappeler son nom ou le son de sa voix.
Il savait jouer du piano.
Et piloter un hélicoptère.
Il avait trente-sept ans.
Et il fallait qu’il trouve un hôpital.

Une réponse "

  1. Je dois dire que c’est un début terriblement intriguant, on a envie de poursuivre l’aventure !

Laisser un commentaire