Premières lignes… #215

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Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

Chapitre Premier : Requête au Lecteur
Ah, lecteur ; vous allez me reprocher d’écrire dans un style que six longs siècles séparent des évènements relatés, mais vous êtes venu à moi afin d’obtenir des éclaircissements sur les jours de transformation qui ont laissé notre monde tel qu’il est. Or la récente révolution est née du renouveau abrupt de la philosophie du XVIIIe siècle, grosse d’optimisme et d’ambition ; aussi n’est-il possible de décrire notre époque que dans la langue desLumières, empreinte d’opinion et de sentiment. Il faut me pardonner mes vouvoiements, mes « il » et « elle », mon renoncement aux termes et à l’objectivité modernes. Les débuts vont être difficiles, mais que vous soyez mon contemporain, toujours en proie à la stupeur devant l’ordre d’aujourd’hui, ou un historien considérant mon vingt-cinquième siècle d’aussi loin que je considère le dix-huitième, vous allez vous découvrir plus à l’aise avec la langue du passé que vous ne l’imaginez ; il en va ainsi de nous tous.
Je me demandais autrefois pourquoi les auteurs des jours enfuis se prosternent si souvent devant leur public, lui présentent leurs excuses, implorent son indulgence, s’adressent au lecteur comme à un empereur en lui expliquant leurs manquements et échecs ; mais à peine ai-je entamé mon travail que le besoin de ces obséquiosités s’impose. Si je veux faire preuve de la fidélité requise au style que j’ai choisi, cette oeuvre doit s’ouvrir sur la description de ma personne, de mon passé et de mes qualifications, puis vous conter par quel tour la Providence a placé entre mes mains les réponses à vos interrogations. Ami lecteur, maître, tyran, je vous implore de m’accorder en ces matières le privilège du silence. Si vous connaissez le nom de Mycroft Cranner, vous pouvez maintenant reposer ce livre. Si vous ne le connaissez pas, je vous implore de me laisser jouir de votre confiance quelques dizaines de pages encore, car mon récit vous donnera en lui-même tout loisir de me haïr.

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