Premières lignes… #182

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Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

Préface

Il y a presque toujours des arbres dans les textes de Virginia Woolf.
Qu’ils se tordent, se désespèrent, ou tapotent gentiment une vitre de leurs branches, qu’ils se tiennent seuls, les nuits d’hiver, au milieu d’un champ vide, qu’ils rappelles par leurs feuilles déchiquetées les drapeaux en lambeaux de guerres lointaines, ou que leurs troncs s’éigent en cathédrale de verts, leur présence se fait si souvent sentir qu’on peut imaginer avec quel appétit Virginia Woolf aimait les contempler, les saluer même, comme des amis proches, pendant ses promenades quotidiennes.
Et ses fantômes aiment les arbres eux aussi : ils jouent dans le jardin arboré d’Une maison hantée, et un livre glisse dans l’herbe ; ils traversent, fragiles, les ronds de lumière dans Le temps passe, et les voilà cernés d’arbustes autant que l’est cette bâtisse oubliée de tous ; et c’est à l’ombre des arbres de Kew Gardens qu’ils viennent s’allonger, fantômes promeneurs.
On avancera donc dans ce recueil aux côtés de Virginia Woolf, et ce sera comme une promenade émerveillée dans un jardin de Londres ; ou une course sur une plage à la recherche d’un objet « singulier, dur, brillant » ; un séjour bref à l’étage d’un restaurant (La Ville d’eau), ou quelques heures sur un balcon, juste avant la tombée de la nuit (Le Symbole) ; ce sera aussi rêver d’un vol d’oiseau au-dessus de la ville (Lundi ou mardi) ; méditer à partir d’une forme qu’on ne sait pas identifier (La Marque sur le mur) ; ou encore inventer une femme sur le quai d’une gare (Un roman non écrit).

Tout cela pourrait sembler disparate, si ce n’était une vigueur omniprésente. Avancer, méditer, s’interroger, rêver avec Virginia Woolf ne se teinte pas de mélancolie, ou d’indolence, comme son état de dépressive chronique pourrait le laisser penser. Ses phases d’épuisement nerveux, les crises récurrentes qui la soumettent à des hallucinations (parfois elle entend les oiseaux chanter en grec), tous ces aspects connus de sa personnalité en viendraient presque à occulter cette vitalité en elle.
On parle peu de la force de Virginia Woolf. On lit sa biographie, on voit les morts de ses proches s’égrener, on pense aux agressions sexuelles que son demi-frère Gerald lui a fait subir dans son enfance, et aux abus plus que probables de son autre demi-frère Georges plus tard, et on ne peut que mesurer à quel point tout cela l’a rendue fragile. Et pourtant, il y a cette énergie en elle. Elle se bat. Pour le vote des femmes. Pour la liberté intellectuelle. Contre la guerre. Avec des armes à la fois redoutables – car elle ne plie pas – et douces. Attentive aux émotions complexes au coeur d’un monde complexe, et seulement armée de son stream of consciousness.

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