Premières lignes… #163

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Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

Château de Rannoch
Perthshire
Ecosse
Avril 1932

Il y a deux inconvénients à être un membre mineur de la famille royale d’Angleterre.
Pour commencer, on est censé se comporter comme il sied à quelqu’un appartenant à la royauté, sans que vous soient donné les moyens de le faire. On attend de vous que vous embrassiez des bébés, fassiez acte de présence au château de Balmoral (vêtu d’un kilt, comme il convient) et portiez des traînes lors des mariages. Les moyens de subsistance ordinaires ne sont pas vus d’un bon oeil. Il n’est par exemple pas autorisé de travailler au rayon des cosmétiques d’un grand magasin londonien comme Harrods, comme je m’apprêtais à le découvrir.
Lorsque je me hasarde à faire observer l’injustice de cette situation, on me rappelle le second point de ma liste. Apparemment, le seul destin acceptable d’une jeune femme de la Maison Windsor consiste à épouser un membre d’une des autres Maisons royales qui, semble-t-il, parsèment encore l’Europe – bien qu’il ne reste de nos jours que très peu de monarques régnants. Même une Windsor aussi insignifiante que moi est une prise séduisante pour ceux qui souhaitent forger une alliance précaire avec la Grande-Bretagne en ces temps instables. On me répète sans cesse qu’il est de mon devoir de faire un bon mariage avec un membre parfaitement affreux d’une famille royale européenne – un individu à demi aliéné, aux dents de lapin, dépourvu de volonté et de courage – et ainsi de nouer des liens avec un ennemi potentiel. c’est ce qu’a fait ma cousine Alex, la pauvre. Son exemple tragique m’a servi de leçon.
Avant d’aller plus loin, je suppose qu’il faut me présenter. Je suis Victoria Georgiana Charlotte Eugénie, fille du duc de Glen Garry et Rannoch – mais tout le monde me surnomme Georgie. Ma grand-mère était la moins attirante des filles de la reine Victoria et par conséquent ne réussit jamais à prendre au piège un Romanov ou un Kaiser, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante – et j’imagine qu’elle le fut elle aussi. On la casa alors avec un maussade baron écossais, à qui l’on offrit un titre de duc afin qu’il acceptât de débarrasser la vieille reine de ma grand-mère. Elle mit consciencieusement au monde mon père, le deuxième duc, avant de succomber à l’une de ces maladies que provoquent les alliances consanguines et un excès de grand air. Je ne l’ai jamais connue. Je n’ai jamais rencontré non plus mon terrifiant grand-père, bien que les domestiques affirment que son fantôme hante toujours le château de Rannoch et joue de la cornemuse sur les remparts (ce qui est en soit étrange, étant donné qu’il n’en avait jamais joué de son vivant). Lorsque je naquis au château de Rannoch – la demeure familliale, encore moins confortable que le manoir royal de Balmoral -, mon père, désormais duc, était fort occupé à dilapider la fortune dont il avait hérité.

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