Premières lignes… #144

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Nouveau dimanche, nouvelle découverte ! Je continue le rendez-vous que j’ai trouvé chez Book & share, et inauguré par le blog Ma Lecturothèque 🙂 Le principe de ce post est de prendre un livre chaque semaine pour vous en citer les premières lignes.

Le silence est omniprésent. Il est lourd sur ma nuque et mes épaules, il m’entoure, m’étouffe, me pèse. A chaque fois que mon cheval traverse de son sabot la couche de neige fraîche, à chaque fois que j’inspire de l’air glacé ou que j’exhale un souffle de nuage blanc, j’ai l’impression d’être en train de profaner une église, un temple, ou je ne sais quoi de sacré.
Je n’ai jamais été très porté sur la religion, mais par la Dame, ce que je me sens païen et ignorant dans cet endroit ! La forêt Blanche m’écrase de sa majesté, de son immensité, me réduit à ce que je suis certainement : un intrus, minuscule et vain, dans un territoire qui ne lui appartient pas.
Je respire un grand coup, et je me reprends. Cet endroit n’appartient pas non plus à ceux que nous traquons. Nous sommes ici pour le débarrasser des Rejs, puis nous partirons, rendant au silence ses droits séculaires. Jack nous emmènera sans doute encore plus loin au nord, obsédé par l’idée fixe que la Dame s’enfonce toujours plus dans les terres glacées pour fuir notre fureur vertueuse.
Jack est un sale con. Une brute trapue, voûtée, courte sur pattes, un nabot teigneux qui exsude l’hostilité et la colère par tous les pores de sa peau. Il me lance en ce moment même un regard agacé, comme si à chacune de mes expirations, j’allais révéler notre position à l’intégralité de la meute. je sais qu’il ne m’aime pas, et le sentiment est réciproque. Il n’apprécie pas mon passé de journaliste, d’homme de lettres, il n’apprécie pas que je sache lire, penser et argumenter, lui qui est incapable des trois. Il n’aime pas l’intelligence, tout simplement, parce qu’il mise tout sur sa force brute, sa volonté obstinée et son obsession malsaine. Würm et moi sommes pour lui un constant rappel de sa médiocrité spirituelle. Il ne tolère l’Allemand que parce que c’est lui qui l’a engagé, à l’origine. Et il me tolère moi, parce que je suis le seul à avoir une meilleure gâchette que lui. Journaliste, oui, mais journaliste de terrain.
Aidan Malcolm Arlington, correspondant de guerre pour le New York Times, attaché spécial au régiment de l’Union, six fois de suite lauréat au concours de tir des auxiliaires. J’ai interviewé Lee, j’ai chevauché aux côtés du général Grant, et j’ai déjeuné avec Lincoln. J’étais une étoile montante, à l’époque de la Guerre civile.
Jusqu’à ce que je rencontre Jack, Würm, et les autres, Jusqu’à ce que la gloire tirée de mots alignés sur une presse ne m’atteigne plus. Jusqu’à ce que survienne l’Alchimie du Veneur, et que le plomb se change en argent.

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